Télérama : coup de cœur FIPADOC 2022 pour "Le Procès, Prague 1952"
« Je ne peux que demander la peine la plus sévère à mon égard. » Visage fermé, Rudolf Slánský réclame d’une voix incroyablement calme sa propre mort aux juges du tribunal exceptionnel de Prague, en 1952. Auparavant, l’ex-numéro deux du pouvoir tchécoslovaque a, tout comme treize autres accusés, reconnu avoir fomenté un complot contre le pouvoir communiste en place. Tous sont membres haut placés du parti et, pour onze d’entre eux, juifs. Tous innocents et victimes d’une purge du pouvoir stalinien et de la plus grande campagne antisémite depuis la défaite des nazis.
L’affaire Slánský, largement documentée, trouve avec ce film une approche inédite. Ce grâce à ces archives exceptionnelles du procès, découvertes par hasard en 2018 dans un entrepôt au nord de Prague. Quatorze caisses en fer et six caisses en bois renfermant plus de soixante heures de films et de sons. La réalisatrice Ruth Zylberman, qui a déjà travaillé sur la dissidence tchèque (Les Dissidents, les artisans de la liberté, 2009), va se saisir de ce matériel exceptionnel, de ces images d’une qualité stupéfiante. L’autrice des Enfants du 209 rue Saint-Maur, Paris 11e construit son film autour de ce « procès » pour décrypter ce que ces images cachent. La machination terrible, la prison, les tortures... le tout illustré par les écrits déroutants des victimes mais aussi les confessions émouvantes de témoins de premier plan.
L’accès à de nouvelles archives (celles du PC tchèque notamment) permet d’exhumer d’autres preuves de cette intrigue effroyable. Il y a aussi ces courriers ou effets personnels des condamnés retrouvés et dont prennent connaissance les enfants de Rudolf Margolius (vice-ministre du Commerce extérieur), du Franco-Tchèque Artur London ou de la fille de Rudolf Slánský. Ruth Zylberman en fait aussi les acteurs de son film, des témoins qui, soixante-dix ans plus tard, partagent leurs souvenirs, leurs doutes et leur colère avec une sincérité et une dignité déconcertantes. Tous heureux de cette nouvelle étape dans la réhabilitation de leurs pères. Mais ils s’épargneront les images du procès qui concluent le film. La violence d’une mise en scène où leurs pères disent mériter leur sort et la sentence qui les attend. Un scénario écrit d’avance que trahissent les trous de mémoire de Rudolf Margolius se voyant souffler son texte par ses juges, ou les déraillements d’Artur London.
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